Pour moi, le gros coup de coeur cette année est chez Prospex. Que ce soit en étoffant sont entrée de gamme, en sortant de nouveaux mouvements ou avec sa nouvelle gamme LX absolument bluffante, Prospex marque énormément de points.
La réédition de la fameuse 6105 de Naomi Uemura et du Capitaine Willard dans Apocalypse Now avait fuité depuis quelques temps et c’est donc sans grande surprise mais avec beaucoup de plaisir que j’ai pu découvrir cette nouveauté.
De manière intéressante, Seiko ne s’est pas attardé trop longtemps sur cette montre qui signe la fin d’une série de rééditions des plongeuses emblématiques de la marque qui avait commencée avec la réédition de la 62MAS en 2017 puis de la 6159-7000 l’an dernier. D’ailleurs il a bien été dit pendant la conférence de presse que leur but n’est pas de rester tournés vers leur passé mais bien de regarder devant eux !
Le résultat est réussi avec un très bel hommage à la 6105-8110 dans une version légèrement modernisée, qui marque un tournant dans la stratégie de Prospex, puisque le haut de gamme ne sera plus composé de rééditions de modèles vintage, mais d’une nouvelle gamme à part entière dont nous parlerons juste après.
Question budget, elle se situe plus ou moins entre les deux précédentes rééditions, ce qui semble donc cohérent. Alors que la montre d’origine était une montre peu couteuse et très accessible, la SLA033 est ici une montre bien plus haut de gamme que son illustre ancêtre, que ce soit par son excellent calibre ou ses très belles finitions. Il ne fait aucun doute que les 2500 exemplaires de cette superbe plongeuse se vendront très vite ! Il s’agit d’ailleurs de la seule édition limitée Prospex de cette année. La relative discrétion de cette nouveauté dans le discours de Seiko montre à mon sens que nous ne verrons plus de rééditions de modèles vintage avant un moment, puisque la marque se tourne vers de nouveaux modèles bien plus modernes et en édition non-limitée.
La gamme Prospex se voit agrémentée de nouveaux modèles très abordables avec d’une part deux rééditions de la fameuse «Arnie», rendue célèbre au poignet d’Arnold Schwarzenegger, avec son double affichage digital et analogique et son style directement inspiré de la fameuse Tuna. Une petite montre fun et robuste qui sera parfaite pour l’été ou le sport.
Nous sommes également gratifiés de deux nouveaux modèles de Monster qui sont très réussis et devraient rencontrer un succès non démérité.
Deux nouvelles références de Prospex viennent aussi étoffer l’ offre «Street series» avec des aiguilles droites et un look qui ne me laisse clairement pas indifférent. Encore une offre abordable très intéressante.
Enfin, l’entrée de gamme des plongeuses Seiko profite de trois nouveaux modèles «Save the Ocean» conçus avec la participation de Fabien Cousteau. Le thème ici est celui du grand requin blanc avec à nouveau de magnifiques cadrans bleus aux reflets et aux couleurs fantastiques. Aucun doute là aussi sur le succès de ces pièces !
Et pour compléter l’offre entrée de gamme, Prospex propose deux nouvelles références dans la série «FIeld» axée sur les sports terrestres comme la randonnée, le trekking et toutes autres activités d’extérieur. On y retrouve le réhaut interne tournant pouvant servir de boussole dont la couronne est protégée un protège-couronne situé à 2h et qui signe de manière évidente le nouveau design de boitier utilisé ici. Un excellent complément à la gamme Field dans une taille contenue et un style original.
Pour son milieu de gamme, Prospex tape très fort aussi avec une nouvelle génération de Sumo, modèle mythique de la marque, qui présente cette fois-ci de vraies différences avec les générations précédentes puisque cette nouvelle référence est équipée du tout nouveau calibre 6R35 qui profite de 70h de réserve de marche et d’un verre saphir. Esthétiquement, tout est différent et pourtant on reconnait au premier coup d’oeil la plongeuse tant appréciée de Seiko. Encore un carton plein pour Prospex.
Enfin, j’ai gardé ce qui est pour moi le meilleur pour la fin, la nouvelle gamme Prospex LX.
Créée en partenariat avec le designer Japonais Ken Okuyama, connu pour ses travaux entre autres avec Pininfarina, Ferrari ou Porsche, c’est à lui que l’on doit le design de cette nouvelle ligne de montres.
L’an dernier, Seiko a sorti la SLA025, réédition de la 6159-7000 de 1968. Le succès a été au rendez-vous et cette montre a gagné le prix de la montre de sport au Grand Prix d’Horlogerie de Genève. Okuyama san s’est donc inspiré du design mythique de cette montre pour créer la gamme LX. Une légitimité acquise tant dans l’histoire ancienne que récente de la marque et un socle très solide pour construire cette nouvelle collection.
L’autre inspiration de ce design vient d’une gamme de montres professionnelles sortie dans les années 90 et composée de trois familles de montres Kinetic, les Landmaster, les Scubamaster et les Flightmaster, destinées aux activités terrestres, aquatiques et aéronautiques. La gamme LX est elle aussi déclinée selon les trois pôles habituels de Prospex, à savoir terre, mer et ciel, avec ici une version normale et une version black. Mais le doute quant à l’inspiration de ces modèles ne fait aucun doute. La terre et la ciel sont clairement inspirées de la Landmaster et de la Flightmaster alors que la montre mer est elle une fière descendante de la fameuse Marine Master 300, elle même étant une recréation de la 6159-7000 de 1968. La boucle est bouclée.
Mais les choses ne s’arrêtent pas là. Trois détails qui n’échapperont pas aux amateurs de Grand Seiko méritent d’être soulevés.
Le premier est relatif au nom de la gamme, LX, qui vient de mot latin lux signifiant lumière. En effet, ces montres ont été conçues pour être mises en valeur par la lumière, ce qui s’avère être l’idée centrale de la grammaire du design de Tanaka Taro. L’autre est un détail de design très intéressant mis en avant lors de la conférence de presse. Sur la 6159, l’angle que forme la partie supérieure du boitier avec la verticale est de 22º. Cet angle a été augmenté à 30º afin de permettre de meilleurs reflets et de reconnaître le design à quelques mètres. Et ce chiffre de 30º n’est pas anodin puisqu’on le retrouve aussi dans la grammaire du design de Tanaka Taro et dans les designs de Grand Seiko. C’est par exemple l’angle des chanfreins des aiguilles dauphines GS.
Au-delà du message clair de LX = lux = luxe, on voit que cette montre s’inspire très clairement de la Grammaire du Design. Mais je vous rassure, il ne s’agit pas ici de Prospex qui tente de ressembler à GS en piquant ses codes. Au Japon et en Asie, le Grammaire du Design est plus connue sous le nom de «Style Seiko», celui-ci étant poussé à son paroxisme dans la gamme GS.
Enfin, l’utilisation du polissage zaratsu pour les flancs du boitiers, ceux inclinés à 30º. Là aussi, il faut comprendre le style Seiko pour comprendre que le zaratsu a totalement sa place sur une plongeuse pro. En effet, le zaratsu n’est qu’une conséquence de la grammaire du design, mis en oeuvre pour tirer le maximum de reflets et de brillance d’un design bien pensé. Il serait donc dommage de ne s’inspirer qu’à moitié du style Seiko en dessinant une montre selon ces codes sans y appliquer un polissage parfait, conséquence obligatoire de la Grammaire du Design. L’utilisation du zaratsu est donc totalement justifié sur ces superbes modèles.
Les montres professionnelles de Seiko sont toujours des montres épaisses et robustes, construites comme des tanks. Mais une attention particulière au confort est toujours apportée et ici, l’accent a été mis sur un design qui vise à abaisser le centre de gravité de la montre afin de la rendre plus facile à porter. Par rapport à la 6159 d’origine, la partie inférieure du boitier (entre le chanfrein latéral et le fond de boite) a été réduit de 0,7mm. La différence peut sembler minime, mais force est de constater que ces LX se posent très bien, même sur un petit poignet comme le mien.
Toujours pour le confort, ces montres sont en titane haute intensité avec un revêtement anti-éraflures.Il semblerait que ce soit ce revêtement qui soit coloré sur les modèles LX Black. Et contrairement à ce que je craignais, ces montres se posent parfaitement même sur un petit poignet. Les bracelets titane sont d’excellente facture, bien supérieurs à ce que Prospex avait l’habitude de faire jusqu’à présent. Les bracelets cuir et caoutchouc des Black sont eux aussi très qualitatifs, avec un coup de coeur particulier pour le caoutchouc de la SNR021. Les finitions côté cadran font également un bon qualitatif par rapport aux MM300 et MM600 connues et appréciées des amateurs depuis quelques années. Le travail des index et des aiguilles particulièrement se démarque par rapport aux productions antérieures. Le verre saphir est lui aussi d’une très belle qualité, légèrement bombé sur les deux plongeuses et plat avec le fabuleux traitement Superclear. La lisibilité est excellente sur tous les modèles, avec peut être seulement la SNR027 (Landmaster ninja) pour laquelle l’aiguille GMT noire se démarque moins des aiguilles heures et minutes grises.
Confort, look, finitions, technologie… Que demander de plus?
Dans l’ensemble, le grand designer Ken Okuyama réussi un sans fautes en s’inspirant de l’histoire ancienne et récente de la marque pour créer des montres à la fois très modernes et nouvelles, mais aussi dans la plus pure tradition de Seiko. Ce ne sont pas des hommages appuyés mais de nouveaux modèles qui intègrent à la perfection le codes de la marque de manière subtile et bien dosée. Encore une fois, Seiko remplit parfaitement le contrat en faisant ce qu’ils ont annoncé: se tourner vers l’avenir tout en restant fier de son passé. C’est pour moi un sans faute. Ah…on me dit dans l’oreillette que ça n’est pas tout… Et oui, exact, ces montres ne sont pas des éditions limitées !
De manière individuelle, je trouve les trois familles de LX très réussies.
La Land reprend l’aiguille GMT jaune, les index et la lunette boussole typique des Landmaster Kinetic.
La Sea reprend le look typique de la Marine Master en y apportant quelques touches plus modernes et un grand bon qualitatif.
La Sky reprend les aiguilles et la lunette bicolore dans le style de son ancêtre la Flightmaster Kinetic avec un cadran bleu du plus bel effet, parfait complément à sa superbe lunette.
Les version Black quant à elles sont identiques mais s’inspirent du noir, couleur importante dans le bushido, la voie du guerrier. Toutes les inscriptions et autres détails de la montre semblent disparaitre dans des teintes de gris et seules les parties composées de Lumibright ressortent, permettant une lisibilité optimale et un look très moderne. L’autre avantage qui plaira aux réfractaires de l’indicateur de réserve de marche du Spring Drive, c’est que celle-ci se fait très discrète sur les modèles Black Ce fut pour moi une grosse grosse claque au moment de les poser au poignet. Et c’est à ce moment là qu’on se rend compte de la qualité perçue de ces montres, signe de l’excellent travail de Ken Okuyama.
Ce qui m’amène sur ce qui sera, je le sais déjà, un gros point sensible pour beaucoup: le prix.
Etonnamment quand Seiko monte en gamme, ce sont les amateurs de la marque qui sont les premiers à râler. Et l’argument que je vois déjà ressortir est celui d’avoir une Prospex au prix d’une Grand Seiko. Il faut bien voir que ces montres embarquent un mouvement propriétaire qui est sûrement la plus grande avancée technologique depuis l’invention du quartz: le Spring Drive. La simple utilisation de ce mouvement augmente automatiquement l’addition. Ensuite, il faut se rappeler que ces montres sont en titane avec revêtement anti-éraflure, des lunettes et inserts dont les matériaux restent pour l’instant inconnus mais extrêmement qualitatifs, un niveau global de finition et de soin qui place cette gamme face à des géants d’autres marques comme les Omega Planet Ocean ou les Rolex professionnelles (Submariner et autres Explorer) mais avec la technologie unique qu’est le Spring Drive.
Quant au placement tarifaire proche de GS, cela a été annoncé depuis un moment: Seiko et Grand Seiko sont deux marques distinctes maintenant et il n’est pas étonnant de trouver des Seiko au prix voir plus cher que certaines GS. Et si on regarde un peu dans le passé, ça n’est clairement pas la première fois, on pourrait citer par exemple la Seiko Spacewalk, modèle légendaire de la marque dont le prix dépassait allègrement les 25000€. Mais également, de manière plus concrète, on peut citer la Landmaster Spring Drive SBDB003 sortie en 2010 pour quelques ¥ de plus que la LX Land de 2019, qui est à mon sen bien plus réussie. Donc aucune surprise sur ce positionnement tarifaire haut mais amplement justifié.
J’irais même jusqu’à dire que ça aurait été une erreur de dépréciation que de placer cette gamme plus bas. Tout dans ces montres respire la qualité et le haut de gamme. Mon seul regret est d’avoir actuellement les poches vides…
En bref, pour Prospex aussi 2019 est un très grand cru avec une consolidation de tous ses segments de prix, un nouveau mouvement très désirable, le 6R35 (qui visiblement ne remplace pas le 6R15 mais vient compléter l’offre) et cette nouvelle gamme LX absolument incroyable qui vient assoir la place de Prospex dans le haut de gamme. Le tout est fait dans le plus pur respect de la tradition Seiko, sans tomber dans le piège passéiste des marques en manque d’inspiration. Seiko se tourne clairement vers l’avenir, tout en s’appuyant sur les bases solides de sa riche histoire. Vous l’aurez sûrement compris, je suis absolument conquis !
Merci encore aux équipes de Seiko France pour leur disponibilité, leur accueil et leur gentillesse.
©Arnaud Aimonetti pour Ikigai Watches